jeudi 9 novembre 2006

Jeudi 9 novembre 2006, 40°c: Du Sénégal au Sénégal en passant par la Gambie




Jeudi 9 novembre 2006, 40°c: Du Sénégal au Sénégal en passant par la Gambie

Alors que nous étions censé arriver relativement tôt (notion sénégalaise assez floue ;-) au village, nous nous réveillons péniblement vers 10h. Aujourd'hui, il va faire 40°c.

N.B.: un proverbe africain nous rappelle que: "En Afrique, le temps est élastique". Ce n'est que trop vrai, et j'ai peur d'en faire mon adage en Belgique...



Le temps de prendre notre déjeuner, la Mercedes sur laquelle le mécano travaille est censée être réparée. Inch'Allah comme on dit ici. Notre Peugeot 504 de la veille étant repartie pour Dakar, nous prenons possession d'une autre 504 (avec chauffeur) tout aussi crapuleuse, avec des petits détails à la Mad Max qui sont censés la rendre plus sportive et/ou agressive (je vous laisse juger sur la photo).



La première étape de cette matinée est d'aller à l'école de Nioro, dont une des tantes de Babacar est la directrice, pour offrir les nombreuses fournitures scolaires et ballons de foot offerts par tous les membres de l'équipe Billing du projet NRP (Electrabel). La réaction a été extraordinaire. J'aurais voulu que les gens qui ont participé à ces dons soient là pour voir le bonheur des instituteurs et des enfants. On nous a fait asseoir sur une petite esplanade et nous avons eu droit à un discours de remerciements de la part des instituteurs qui étaient vraiment émus et n'ont pas arrêté de nous remercier pour ce geste. Quand on voit ça, on regrette simplement de ne pas avoir pris plus de bics et de cahiers. Surtout quand on voit le peu de moyens à leur disposition.

Quand nous sommes arrivés, les enfants se sont approchés, puis lorsqu'une des fillettes plus téméraire a osé me serrer la main, ils se sont tous précipités sur nous en criant et en riant, débordant de joie, désirant à tout prix serrer la main des toubabs. Et lorsque nous sortions les appareils photo, c'était encore plus le délire général dans la cour de récré, chacun voulant absolument être sur la photo. Photo qui, dès que montrée grâce à la merveilleuse technologie des numériques, suscitaient autant d'étonnements que de rires. C'était tout simplement un moment merveilleux et émouvant.












Les ballons de foot firent autant d'émules et nous avons eu droit à quelques démonstrations de jonglage de la part de garçons d'une dizaine d'années certainement futurs footballeurs professionnels.

Pris par le temps (élastique, mais pas à l'infini) et nous promettant de revenir avec encore plus de fournitures la prochaine fois, nous quittâmes l'école, poursuivis par une horde d'enfants courant derrière la voiture en nous saluant de la main...






Nous rejoignons le Capitaine qui a récupéré son char d'assaut avec lequel il fait quelques tours de piste histoire de vérifier que la réparation est plus ou moins correcte...

Tout semble OK, l'aventure continue. L'équipe est comme d'habitude dispatchée entre les deux voitures et nous quittons Nioro, direction : la Gambie ! Destination : la Casamance ! Si vous regardez une carte du Sénégal (j'espère que vous l'avez quand même fait depuis que vous avez commencé à lire ce blog !), vous verrez que la Gambie est un petit pays enclavé dans le Sénégal, et qui s'étire le long du fleuve Gambie (d'où son nom, ha ha !). Son seul contact avec l'extérieur est sa côte Atlantique, et elle est fortement dépendante du Sénégal.



Le village où nous allons, et la Casamance en général, se trouvant juste en dessous de cette Gambie, il est donc plus simple de traverser ce pays en largeur plutôt que de le contourner. Contourner la Gambie prendrait plus ou moins 2 jours de route tandis que sa traversée prend au mieux quelques heures (au pire une journée en fonction des embouteillages). Nous devons néanmoins traverser le fleuve Gambie avec le bac (un ferry) , il n'y a visiblement aucun pont.





Nous arrivons à la frontière ; à partir de là va commencer tout un manège de « montrage » de passeport accompagné de quelques pièces ou billets. D'abord signer le registre de sortie du Sénégal et faire mettre un joli cachet dans son passeport. Ensuite, faire 500m, entrée en Gambie : un cachet dans le passeport en échange de 2000 CFA. On repart, 1000 m, puis on doit à nouveau s'arrêter pour acheter un droit de circulation sur leur territoire. 500 m, checkpoint militaire : on nous laisse passer, mais il faut « offrir » un thé au soldat.

En Gambie, ancienne colonie britannique, la langue officielle est l'anglais, mais tout comme au Sénégal, la langue véhiculaire est le wolof. Ça facilite énormément les choses lorsqu'il faut négocier les bakchichs.

Les routes sont asphaltées et en relatif bon état, mais quand même truffée de nids de poule et surtout couverte d'une terre rouge poussiéreuse qui supprime toute visibilité lorsqu'on se retrouve derrière une autre voiture.

Chose la plus étonnante : alors que la Gambie est enclavée dans le Sénégal, et par définition ne devrait être que sa continuité, les paysages sont totalement différents et on « sent » qu'on est dans un pays différent. Ce pays ne me laisse pas une très bonne impression et je suis content de devoir seulement le traverser sans y séjourner. C'est peut-être une fausse image, il m'est difficile de juger alors que je n'ai connu ce pays que quelques heures. Mais même les Sénégalais semblent ne pas porter ce pays dans leur cœur, à écouter les critiques qu'ils en font. Pour eux, les douaniers et policiers gambiens ne sont que des bandits déguisés.

D'ailleurs, à l'approche du fleuve, sous prétexte que nous ne nous sommes pas arrêtés exactement au panneau stop, un policier nous met une pseudo amende de 500 CFA. Nous arrivons enfin au fleuve, le bac n'est pas encore là et nous faisons une pause boisson en l'attendant, harcelés par les vendeurs ambulants qui veulent absolument nous vendre des essuies, des lampes de poche, du Viagra et autres médicaments. Je bois une gorgée de mon Coca et je sens quelque chose en bouche, je recrache directement. Une guêpe s'était glissée dans ma canette ; si elle avait piqué l'intérieur de ma gorge, et vu le nombre d'hôpitaux au km² en Gambie, je ne serais certainement plus là pour écrire ceci…










Le bac arrive enfin, on charge les voitures et on monte à bord. La traversée est très courte (+/- 5 minutes). De l'autre côté, la route donnant sur le fleuve est en partie inondée et je suis toujours étonné de voir tous ces véhicules passer sans s'embourber (mais sans manquer de racler leur bas de caisse sur le sol rocailleux immergé). On se fait à nouveau arrêter pour je ne sais quel fausse raison.





Nous longeons quelques rizières situées à proximité du fleuve ; il ne reste plus beaucoup de chemin. Arrivés à la frontière, le manège recommence : cachet passeport, payer pour sortir de la Gambie, rentrer au Sénégal.

Nous voilà enfin en Casamance. Là également, à ma plus grande surprise, les paysages sont très différents de ceux vus auparavant. La Casamance est réputée pour être une des plus belles régions du Sénégal. Cela est certainement du au climat fort humide : il y pleut beaucoup, il y a de nombreux puits, tout cela explique la végétation luxuriante, le vert permanent, les nombreux arbres fruitiers et les cultures qui poussent sans problème.

Le village d'Adama, Tankon, n'est plus très loin. Nous nous arrêtons au marché car Babacar, pour respecter les traditions, doit venir au village avec entre autres du tissu, une chèvre et un sac de noix de Kola. Les noix de Kola sont très importantes au Sénégal et symbolise l'amitié.

[ Le kola est issu du kolatier (famille des sterculiaceaes), arbre originaire d'Afrique tropicale, puis introduit en Amérique du Sud et aux Antilles par les esclaves. Ces graines, improprement appelées " noix " constituent la partie intéressante en phytothérapie. Traditionnellement ont reconnaît les propriétés de la noix de Kola comme stimulant physique, sexuel et intellectuel, grâce à ses composant riches en alcaloïdes , la caféine (environ 2 %), et la théobromine.
Porteuse d'une valeur symbolique, on la consomme souvent lors de cérémonies ou pour souhaiter la bienvenue aux invités, comme symbole de l'amitié partagée ou pour signifier une entente scellée ou une réconciliation entre deux parties. On utilisait autrefois la noix de kola pour faire des colas, bien qu'aujourd'hui l' arôme de ces boissons produites en quantité industrielle soit artificiel. ]

On attache la chèvre sur le toit de la 504 puis on se dirige vers le village par de petites routes de sable qui nous rappelle notre épisode de la veille (la perte de la ligne d'échappement). Nous croisons quelques enfants qui nous regardent bizarrement, ils n'avaient jamais vu de Blanc.







Enfin arrivée au village de Tankon, vers 17h, après 3-4 heures de route. Et là, c'est la révélation. Nous entrons dans un superbe village de cases, authentiquement africain, ni électricité ni eau courante, je pénètre dans un autre monde (encore un monde différent du reste du Sénégal, qui constituait déjà pour nous, Occidentaux, un monde très différent), j'ai pris une machine à voyager dans le temps, je ne sais pas où je suis, mais je suis bien.

Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais je peux dire à tous ceux que Babacar a invités à son mariage et qui ont décliné pour de fausses raisons (« je n'ai plus de congé », « je n'ai plus d'argent », « je n'ai pas envie », « j'ai déjà un cinéma de prévu le week-end du 4 », …) que vous avez raté quelque chose d'unique, quelque chose qu'on ne vit qu'une fois dans une vie, une expérience que vous ne vivrez peut-être jamais (à moins d'avoir un autre ami sénégalais qui se marie traditionnellement avec une femme originaire d'un petit village en Casamance ;-)

Nous sommes accueillis par des villageois, et nous entrons dans la maison de l'oncle d'Adama, qui sera notre hôte. Nous nous couchons, on nous offre à boire, les gens défilent pour venir nous saluer. Les sages du village viennent voir Babacar, qui offrent les noix de kola. Les négociations commencent ; je ne comprends rien, tout est en wolof, mais ils discutent du mariage, des modalités, de la tradition (la tradition de mariage dans ce village est différente de la tradition que Babacar connaît dans sa famille), des épreuves que Babacar aura à remplir. D'après ce que je crois comprendre, Babacar doit donner de l'argent à des couturières pour faire un boubou à partir du tissu qu'il a apporté ; il doit également donner de l'argent à d'autres personnes, je ne sais pas très bien pourquoi. Ici, tout se marchande, tout s'achète, tout se vend, c'est un jeu. Les sommes sont généralement petites (de l'ordre de 1000 CFA) et donc symboliques, mais il est traditionnel de donner de l'argent pour tel service ou telle marchandise.

[ Nous sommes dans un village Peul / Toukouleur. Le Sénégal est peuplé de nombreuses ethnies. Jusqu'à présent, nous avons eu l'occasion de rencontrer principalement des Wolofs (qui peuplent surtout le nord du Sénégal), mais également des Sérères, qu'on trouve surtout sur la petite Côte. ]

Les palabres vont encore continuer longtemps et Cécile et moi décidons d'aller visiter le village, avec un guide. Notre guide est étudiant en philosophie à Dakar, et est rentré à Tankon pour les vacances. Comme je disais plus haut, c'est magnifique. Les chemins de sable bordent les cases et les propriétés clôturées par d'inégales barrières en bois. Dans ce village habitent 2000 habitants ; il n'a pas l'air comme ça, mais il est très grand. Ici, tout est calme, c'est propre, c'est tranquille; quand on arrive de Dakar, c'est tout simplement le paradis. Les villageois sont accueillants, nous font entrer dans leur case, nous montrent leurs cultures, nous donnent quelques explications. La communication n'est pas toujours facile car peu parlent le français. Alors que nous entrons dans une case, nous entendons de la musique s'échapper d'une chaîne hi-fi. Mais comment font-ils sans électricité ??? Et là, ils nous montrent une batterie de voiture, connectée à la chaîne. Y a pas à dire, ils sont débrouillards ;-) Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Quelle n'est pas notre tête quand nous voyons, s'échappant de la végétation et bordant un chemin de sable, un… lampadaire d'éclairage public ! Ingénieusement alimenté par un panneau solaire (pivotant en fonction du soleil).
































Nous continuons notre visite. Le village est autonome et vit en quasi-autarcie : ici on cultive le manioc, le mil, le maïs, l'arachide, les piments, les tomates, les mangues, les goyaves, les papayes, les bananes et j'en passe, sans compter le « pain de singe », le fruit du baobab (qui ressemble à d'énormes testicules, raison pour laquelle j'ai rebaptisé le baobab « l'arbre à couilles »). Ils élèvent également du bétail : moutons, chèvres, bœufs, poules pour se nourrir ainsi que chevaux et ânes pour se déplacer. L'excédent est commercé pour obtenir d'autres biens.

Pas question de communisme, chaque famille possède sa propriété, ses terres et son bétail.

Les cases sont comme on les imagine : ronde, avec des murs d'argile et des toits en paille. Les puits sont nombreux dans cette région riche en eau, et les habitants bénéficient en plus d'un forage, apportant de l'eau via un robinet public (le seul robinet du village).

Tout le monde se déplace à pied ou en charrette tirée par un âne. Nous croisons même de jeunes bergers d'une huitaine d'années galopant habilement à toute vitesse sur des chevaux sans selle. Pas de gaz d'échappement (ça fait du bien), mais le pendant animal : quelques crottes jonchent les chemins.

Les villageois sont agréables et avenants. Par respect, je n'ose pas les prendre en photo, mais c'est eux-mêmes qui demandent : « Toubab, photo ». La plupart des enfants ici n'ont jamais vu de Blanc de leur vie, vous imaginez donc leur surprise en voyant des hommes d'une couleur différente. Beaucoup sont curieux, parfois inquiets. Certains n'osent pas nous approcher et reculent, d'autres viennent tout sourire pour nous toucher, mais la majorité se contentent de nous suivre. Au cours de la promenade, nous étions tout le temps suivis par un groupe d'enfants, les nouveaux remplaçant ceux qui s'étaient lassés.







Nous avons également vu le hangar dans lequel sont stockées et torréfiées les arachides (l'arachide est la culture la plus importante au Sénégal), le premier dispensaire, une des mosquées, les puits, les fours (qui ressemblent aux fours à bois italiens),… Nous arrivons au nouveau dispensaire, construit « en dur », et bénéficiant de nombreux panneaux solaires sur le toit. A la sortie du dispensaire, nous sommes sur la « grande avenue » du village. L'école est en face, constituée de 3 bâtiments. Guidés par les tam-tam, nous arrivons à la maison de la famille de la mariée, où une centaine de personnes sont réunies, dans la cour intérieure, chantant, dansant… Nous y retrouvons la sœur d'Adama qui nous accueille à bras ouverts. Très honorés de notre présence, la foule s'écarte à notre passage et nous donne la meilleure place pour assister au « spectacle » de danse rituelle. Le danseur est accompagné par un « orchestre » de 4-5 personnes (tam-tam, sifflet, chora, le "banjo sénégalais", …) ; en nous voyant, il se met à danser pour nous, ne cessant de nous fixer. Nous nous sentons également honorés, face à tout cet engouement autour de nos personnes.






Au moment de partir, je me dirige vers le danseur et l'orchestre pour les remercier et je sers la main de chacun. Le danseur, face à moi, se met alors à danser. Yves le spécialiste de la danse sénégalaise n'étant point là, je me sens obligé de danser avec lui, devant l'hilarité générale :o) Je pense ne m'être pas trop mal débrouillé.

A nouveau, le soleil s'est couché trop vite et j'aurais voulu visiter le village plus en détails. Nous revenons à la case où se trouvent Babacar et les autres. Nous nous asseyons en rond dans la case et l'on nous apporte le repas. Cette fois-ci, on mange à la "roots style" ;-) = avec les mains. C'est une première pour nous, mais nous nous adaptons facilement à la tradition ;-) Le dessert se compose de semoule de mil avec du lait, mangé à la louche. Il est intéressant de noter que même dans le coin le plus reculé d'Afrique, on trouve toujours du Coca-Cola, Fanta et cigarettes. Haaaa les miracles de la mondialisation et les méfaits de l'américanisation ;-)



Après cette longue et très chaude journée, une petite douche s'impose. Au village, où il n'y a pas l'eau courante je rappelle, prendre une douche consiste à aller chercher de l'eau au puit, la mettre dans une bassine à l'arrière-cour d'une maison, et se rincer à l'aide d'une boîte à conserve, éclairé par une lampe-torche. Il faisait bon, et je me souviens que cette simplicité ne m'a pas semblé désagréable, au contraire.



J'enfile mon nouveau boubou et je rejoins les autres, assis sur des matelas à l'extérieur. La suite du programme est assez floue, même pour Babacar, principal intéressé. A priori, il devrait être appelé au cours de la nuit pour passer certaines épreuves, ou chercher sa femme dans le village, ou participer à un conseil; mais personne ne sait vraiment ce qu'il va se passer, juste qu'on doit rester éveillés, et que Babacar ne peut pas quitter la propriété du cousin d'Adama. Ce sont les règles. Au loin la musique des tam-tams et les chants des griottes se font entendre, nous voudrions y participer mais Babacar ne pouvant pas y aller, nous préférons lui tenir compagnie, Cécile, Nabil, Moustapha et moi.

Pendant ce temps, des personnes de la famille d'Adama se succèdent auprès de Babacar pour le féliciter (toujours en échange d'un petit billet, telle le veut la coutume). Des griots viennent également chanter les louanges de Babacar et rappeler les exploits de ses ancêtres; nous avons également droit au chant d'un griot accompagné d'un instrument typiquement sénégalais et qui me fait penser à une sorte de violon sénégalais.









Entre deux visites et quelques thés verts plus tard, les discussions s'animent, surtout entre Cécile, Moustapha et Babacar, ces derniers essayant de convaincre (parfois avec malice et provocation ;-) Cécile des bienfaits de la polygamie. Cécile, qui se révèle être une féministe convaincue (Cécile, n'hésite pas à me contredire ;-) se défend bien et rentre dans le jeu. Nous avons droit à une joute verbale basée sur l'ouverture d'esprit et le dialogue. Nous nous amusons de ce petit jeu et n'hésitons pas à en remettre une couche. Moustapha, qui nous avoue fièrement avoir deux femmes et jusqu'à sept (7 !!!) maîtresses, ne tarit pas d'arguments prônant la polygamie. Je pense que c'est surtout une question de culture et d'éducation. Cécile aurait beaucoup plus à dire là-dessus :o) Cécile, qui se voit répondre « Tais-toi, tu n'es qu'une femme » de la part du Capitaine, non dénué de second degré.

La discussion se poursuit également sur les marabouts. Ces derniers sont très respectés, surtout en Casamance, et sont dotés de multiples pouvoirs, selon la croyance populaire. On nous relate donc des témoignages "sérieux", telle cette histoire de gris-gris qui empêcherait de se faire trouer la peau: Ndiogou a vu de ses propres yeux un homme portant ce gris-gris se faire poignarder mais impossible pour le couteau de rentrer dans le corps. La veille, le juge nous avait également raconté qu'il lui avait été impossible de lire un dossier en particulier, alors qu'il voyait clairement les objets se trouvant autour.

La discussion se calme, le Capitaine s'endort et nous restons là, couchés sur les matelas, à contempler la voûte céleste. J'avais rarement vu un ciel étoilé aussi beau, aussi pur. Nous n'en voyons jamais comme cela en Europe, simplement à cause de la pollution luminaire des grandes villes et de leurs éclairages. Toujours bercés par le son des tam-tams, nous comptons les étoiles filantes. Pour moi, cela constituait l'apogée de ce séjour, le plus beau moment (attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ;-) Tout était fortement appréciable et les différentes cérémonies de mariage valaient le coup d'être vécues, mais je dois dire que ce moment de calme dans ce village m'a particulièrement plu). J'aurais voulu partager ce moment incroyable avec les gens qui n'étaient pas là.

La nuit s'égrène, rythmée par le cérémonial du thé sénégalais, qui nous tient éveillés. Nous attendons toujours. Cécile et moi décidons de partir en éclaireur et d'aller voir ce qui se passe du côté des tam-tams. Alors que nous sommes un jour de semaine, à 3h du matin, encore plusieurs dizaines de villageois et d'enfants sont réunis autour des musiciens et des griottes, pour faire la fête, c'est tout simplement incroyable :o) Même dans le noir, on nous regarde bizarrement, nous les toubabs. Après avoir demandé nos prénoms, les griottes entonnent un chant en notre honneur, tout en essayant de nous faire danser. Nous restons une demi-heure à profiter de l'ambiance avant de revenir auprès de Babacar.

[ Babacar, qui nous demande, à Nabil et moi, si nous voulons une femme pour ce soir. Je n'en crois pas mes oreilles :-) Nous refusons poliment (rassure-toi Elise ;-) mais je lui demande pour quelle raison les Sénégalaises feraient ça, sans même nous connaître. Il me répond qu'il s'agit là d'un corollaire naturel de la fameuse "Teranga", l'hospitalité sénégalaise (sans limite visiblement). En tout cas Babacar, c'est gentil d'avoir proposé ;-) ] J'apprends plus tard qu'il s'agissait d'une blague, la teranga n'est donc pas infinie!

La fatigue me gagne, je me couche. A ce moment, on vient prévenir Babs qu'on ne viendra finalement pas le chercher cette nuit et que nous pouvons aller nous coucher. Grosse déception, nous avons veillé toute la nuit. Mais c'était néanmoins la plus belle nuit de la semaine. Nous rentrons à l'intérieur pour nous protéger un brin des moustiques et autres bestioles. Chacun se couche mais impossible de trouver le sommeil, totalement excités par le thé sénégalais. Nous avons chacun bu 5-6 thés, très très forts. Ils nous fait l'effet de 10 Red-Bull ou 30 cafés de la machine à café Electrabel. Une idée de business me vient: distribuons du thé sénégalais chez Electrabel! Mais bon, en comptant une heure de préparation par thé, ça risque de coûter un peu cher.

Chacun se retourne dans tous les sens, vraiment impossible de dormir, mon coeur est à 180 battements par minute. Et Babacar se met à chanter, sur l'air du Petit navire:
« Il était un petit toubab, il était un petit toubab, qui n'avait ja-ja-jamais bu de thé, qui n'avait ja-ja-jamais bu de thé, ohé ohé »
:o))))

Je crois avoir réussi à m'endormir avec le soleil levant, vers 6h du matin, (heure à laquelle on était, dans le planning de départ, censé quitter le village pour rejoindre Dakar d'une traite ;-)

P.S: Il est marrant de trouver sur le net le blog d'une anthropologue américaine qui est passée à Tankon un mois avant nous, et qui y a même été soignée de la malaria au dispensaire. Voici son expérience relatée ici: http://barometer.orst.edu/home/index.cfm?event=displayArticle&ustory_id=be2183a3-e5a3-4cd7-9e2d-503266dcd15e

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